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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 20:12

 

« Violences conjugales : enfants dans la tempête », c’est cette année le sujet du colloque annuel organisé par l’association Miléna, qui aide les femmes victimes de violence, avec l’intérêt majeur de croiser les approches à la fois sociales, psychologiques, juridiques et politiques.

 

Sur un sujet aussi difficile, le premier mérite de ce colloque est de faire émerger une réalité sociale méconnue : la question des violences conjugales est quasi exclusivement traitée du point de vue des adultes en cause, en oubliant les conséquences parfois très lourdes pour les enfants, placés malgré eux au cœur de la « tempête » du couple.

 

L’enfant subit en effet la violence à l’intérieur du couple, avec ses infinies variétés, qu’elle soit physique,enfant-seul.jpg psychologique ou les deux, à travers une exposition à des degrés divers. Ainsi, de l’enfant qui "n'est pas au courant", ou qui "entend parler des scènes" à celui qui va adopter une démarche de victimisation, c'est-à-dire essayer d'attirer les foudres sur lui, ou même intervenir au sein du conflit parental, les psychologues identifient une dizaine de niveaux d’expositions qui sont d’autant plus difficiles à gérer que l’enfant est petit. A ces expositions liées aux violences conjugales, ou même au conflit parental, d'autres mauvais traitements psychologiques sont associés : la peur, le dénigrement de soi ou d’un parent, la culpabilisation… autant d’abus émotionnels qui "corrompent" l'enfant (ou l'enfance dans l'enfant) en le confrontant à un modèle relationnel inadapté. Comme l’a expliqué le pédopsychiatre Maurice Berger, ces expositions ont évidemment un impact important sur le développement affectif de l’enfant, qui sera aussi fonction de la nature de la relation parents – enfants, des compétences parentales ou des capacités de résilience de l’enfant.

 

Compte tenu d’une part des évolutions des comportements familiaux, avec le développement des séparations (rappelons que 20% des familles des zones urbaines sensibles sont monoparentales), du délitement des liens familiaux,  ajouté d’autre part aux effets de la crise qui génère une grande augmentation de la souffrance sociale – et de la violence qui en résulte – dans les familles, donc dans l'environnement naturel des enfants dès leur plus jeune âge, on mesure combien l’effectivité du statut de « victime » des enfants au cœur des conflits parentaux est un enjeu social émergent dans les consciences mais majeur dans la réalité sociale.

 

Ce constat doit d'abord interroger le rapport de la société à l'enfant. Nous sommes en effet très en retard sur notre capacité globale à considérer l’enfant non pas uniquement comme un individu en devenir mais comme une personne singulière avec des droits, des capacités et des limites. Ainsi, notre culture pédagogique reste celle du groupe, c'est-à-dire de l'indifférenciation, ce qui explique les résistances à l’évaluation individuelle de l’enfant qui seule pourra permettre une pédagogie adaptée et une stratégie effective de réduction des inégalités scolaires (mais c’est un autre débat…). Ainsi de notre politique familiale qui reste depuis l’après-guerre centrée sur les parents et vise à leur permettre à  la fois l'exercice de la parentalité (les parents considérés à juste titre comme les premiers éducateurs de leurs enfants), mais aussi la compatibilité avec l'activité professionnelle, alors que la cause du développement de l’enfant est peu défendue… Ainsi de la souffrance somatique ou de la douleur de l’enfant, notamment à l’hôpital, qui est restée longtemps sous-évaluée même si des progrès remarquables ont été accomplis depuis une dizaine d’année. Avec ces colloque, c’est bien l’enjeu de la souffrance psychologique de l’enfant, en l’espèce liée aux violences conjugales, qui apparaît comme un nouvel horizon dans la prise en compte de l’enfant en tant qu’individu.

 

Une fois posé l’enjeu, force est de reconnaître que le chemin est long pour rendre la société moins aveugles aux besoins, c'est-à-dire aux droits, des enfants. C’est évidemment le rôle des responsables politiques que d’y concourir, notamment en repositionnant l’enfant au cœur de la politique petite enfance (voir ici) ou en permettant l’émergence de politiques éducatives davantage orientées sur le repérage des besoins de chaque enfant pour accompagner sa réussite, au besoin avec des programmes renforcés comme nous l’avons fait à Grenoble avec Parler Bambin. Au-delà des responsables politiques, cette conception du rapport à l’enfant interroge bien des pratiques professionnelles et doit faire l’objet d’un vaste engagement en termes de formation et d’acquisition de compétences nouvelles.

 

Mais la question posée par l’impact des violences conjugales sur le développement des enfants appelle des réponses autrement plus précises que la perspective, pour autant nécessaire, de faire évoluer le regard de toute la société sur l’enfant. En termes de politiques publiques, des réponses précises peuvent et doivent être développées.

 

D’abord, la première priorité est de limiter l’exposition des enfants, donc de soutenir la bonne santé mentale de chacun des parents, qui est un facteur de résilience pour l'enfant. Cela passe par l’accès soit aux lieux d’écoute psychologiques tels que ceux mis en place dans plusieurs quartiers à Grenoble (et renforcés depuis quelques mois), soit plus simplement par un maillage d’acteurs sociaux, au premier rang les assistantes sociales et les conseillères des services sociaux et de la protection maternelle et infantile, dans une démarche non de jugement sur les parents mais d’accompagnement bienveillant des difficultés qu’ils rencontrent. Evidemment, dans les cas de violences conjugales caractérisées, la première urgence est de protéger le parent victime, le plus souvent la mère, par une prise en charge adaptée d’elle et de ses enfants, comme le fait justement l’association Miléna.

 

Ensuite, dans la même veine, il importe de soutenir la relation entre parents et de faciliter l’exercice de la parentalité des deux parents, à condition que la médiation familiale n’ait pas pour conséquence de faire durer, et donc d’aggraver l’exposition aux violences des enfants concernés ou d’accroître leur stress. Hormis cette limite qu’il importe de poser, pour les cas les plus nombreux où la pacification est accessible, cela signifie soutenir le rôle des lieux d’accueil enfants – parents, structures associatives qui souffrent en ce moment de moyens insuffisants (je vous invite à signer ici la pétition de soutien à La Passerelle, seule association de l’agglomération à mettre en œuvre les décisions de justice en matière de médiation familiale et qui n’a pas les moyens de faire exécuter les jugements, au mépris des droits des familles !), faciliter l’accès aux espaces familles des centres sociaux ou aux ludothèques qui permettent la reprise ou la continuation de relations enfants – parents en présence de professionnels.

 

Enfin, il est impératif de soutenir les enfants eux-mêmes, non seulement en prenant systématiquement en compte le contexte de violences conjugales lorsque sont fixées les mesures concernant le droit de visite et l’hébergement lors des séparations mais aussi en garantissant aux enfants l’accès à des soins psychologiques.  De ce point de vue, la présence de centres médicaux psychologiques spécialisés sur l’enfance est essentielle là où la souffrance psychosociale est la plus forte, comme dans le quartier de la Villeneuve où nous mettons tout en œuvre pour conserver le CMP CATTP. Placer la psychiatrie de secteur en position d’acteur intégré au développement social d’un quartier est à cette aulne une stratégie indispensable pour laquelle nous travaillons sur Grenoble et son agglomération (voir ce post), afin que soient levées les méfiance entre les cultures professionnelles et les difficultés de partage d’informations qui portent préjudice à l’efficacité de l’action médico-sociale.

 

En conclusion forcément provisoire, l’enjeu tout à fait majeur de la réponse aux souffrances des enfants liée aux conflits et aux violences conjugales exige une capacité collective à la fois de repérage des situations (par les services sociaux du conseil général, les assistantes sociales scolaires, les médecins des centres de santé ou libéraux, les travailleurs sociaux associatifs, les habitants impliqués…), d’orientation, et d’accompagnement adapté qui ne peut passer que par un partenariat harmonisé entre habitants, acteurs sociaux et sanitaires, et institutions.

Voilà un enjeu social émergent qui renforce ainsi l’urgence à développer le travail social communautaire qui fonde le nouveau projet des Maisons des habitants (voir ici) et à promouvoir davantage de solutions combinant pour les femmes et les enfants victimes un hébergement adapté et un accompagnement social renforcé, en lien avec le secteur sanitaire.

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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 22:12

Quand la droite est en difficulté, elle puise dans  les vieilles la-droite-c-est-des-75-milliards-d-euros-de-cadeaux-fiscaux.jpgcasseroles qu’elle partage le plus souvent avec l’extrême droite. Ainsi, le terme d’assistanat, qui vient de l’ultra droite libérale et n’existait pas dans le vocabulaire courant il y a seulement 20 ans fait-il dorénavant partie des marronniers de la droite française, qu’elle ressort à chaque saison électorale, surtout lorsqu’elle se sent fragile.

Après la sortie honteuse de Laurent Wauquiez sur le « cancer de l’assistanat », qui comme d’habitude n’avait d’autre but que de tester et de préparer l’opinion, c’est l’encore président de la République qui se lance sans vergogne dans la mise en accusation publique des allocataires de minimas sociaux, présentés comme des fainéants qui vivent au crochet de la société, livrés à la vindicte populaire en enfilant tous les poncifs de la droite extrême dite « populaire » (voir ici la grotesque et productive brigade créée par M. Ciotti : 16 agents pour 10 plaintes !).

La première réponse doit être politique : les premiers fraudeurs de la solidarité publique, ce sont évidemment d’abord les exilés fiscaux, les amis de M. Sarkozy qui profitent du maintien, en ces temps de crise, du bouclier fiscal (800 millions d’euros de coût pour la collectivité), sans parler des plus riches, qui avec la réforme de l’ISF économiseront 1,8 milliards de francs. Au total, le PS chiffre à 10 milliards par le cout annuel du « paquet fiscal » promis par M. Sarkozy aux plus fortunés (voir ici).

Mais le rôle de la gauche doit aussi être de rappeler la réalité sociale, qui est aux antipodes des fantasmes véhiculés par M. Sarkozy et ses amis.

En premier lieu, la fraude aux prestations sociales est marginale.

Voici les chiffres donnés ce jour même par la CNAF sur l’accueil de son site internet, après le très bienveillant slogan « frauder c’est voler, celui qui fraude sera sanctionné » :

-         - 13 114 cas de fraudes ont été enregistrés en 2010 par la Caisse nationale des Allocations familiales, soit 10% de plus par rapport à 2009.

-          - 9 355 sanctions ont été prononcées, soit 18% de plus par rapport à 2009.

-          - le préjudice financier s’élève à 90 149 867 euros, soit 5% de plus par rapport à 2009.

Brrr… notre âme de bon contribuable et d’honnête citoyen frissonne déjà d’indignation !

Sauf que rapportés aux chiffres globaux d’activité de la CNAF en 2010 (trouvés ici), cela donne :

-          - 13 114 cas de fraude rapportés aux 11 281 380 allocataires : 0,12 %

-          - 9 355 allocataires sanctionnés : 0,08 % du total des allocataires

-          - 90 millions d’euros de préjudices sur 60 milliards de prestations : 0,15 % du budget global.

En clair, et même s’il est vrai que la fraude (qui est évidemment inacceptable) n’est pas intégralement repérée, il est communément admis par les scientifiques et les responsables de l’action sociale qu’elle est inférieure à 1 % des allocataires et à 1% des prestations. Il s’agit d’un taux tout à fait remarquable qui montre qu’il s’agit d’une pratique heureusement marginale, et qu’il n’est pas possible de diminuer sauf à augmenter encore davantage le non recours au prestations sociales.

C’est le second argument que le gauche doit porter : le débat sur la fraude masque la réalité sociale du non-recours, qui est au moins dix fois plus importante !

Il suffit se rendre sur le site de l’observatoire du non recours aux droits et aux services (Odenore) ou de l’observatoire des inégalités (ici et ici) pour apprendre par exemple que le taux de non recours au RSA socle est d’au moins 35 %, d’environ 25 % pour la CMU de base et entre 25 et 30 % pour la CMU complémentaire. Il est d’ailleurs proprement consternant que ces chiffres qui témoignent de graves difficultés dans la mise en œuvre de politiques sociales ne soient jamais cités ni par les responsables politiques nationaux ni par les médias.

Au final, et au-delà du commentaire politique sur la mystification honteuse que constitue la dénonciation de la fraude, l’enjeu pour la gauche de porter ces réalités sociales dans le débat public est essentiel. En effet, la droite a largement gagné la bataille de l’opinion depuis au moins deux décennies, comme le montrent les études "conditions de vie et aspirations des Français" du Crédoc qui témoignent du regard de plus en plus critiques de nos concitoyens vis-à-vis de l’action sociale. Comme un symbole, le terme d’assistanat est repris depuis quelques années par des responsables dits de gauche,  permettant aux fantasmes qui nourrissent la concurrence des misères de prospérer tranquillement, alimentant la peur /haine de l’autre. En définitive, si l’on ne combat pas la droite en dénonçant sur le fond les mythes comme la fraude ou l’assistanat sur lesquels elle fonde une partie de son « idéologie du mérite », c’est le crédit de l’action sociale et même la confiance de nos concitoyens dans la République sociale que la gauche laissera détruire.

Soyons donc fiers de nos valeurs, fiers de notre engagement pour la solidarité, ne laissons pas les caricatures scandaleuses brouiller la réalité sociale vécues par nos concitoyens, celle d’une société de plus en plus dure avec les faibles et de plus en plus complaisante à l’égard des puissants.

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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 15:58

Le 21 septembre dernier se tenait à l’IEP de Grenoble une journée d’étude à l’initiative du Dr Pierre Micheletti consacrée à la « psychiatrie publique à l’épreuve des zones urbaines sensibles ». programme_colloque.jpg

Invité à intervenir le matin et en clôture de ce temps de réflexion qui a rassemblé de nombreux acteurs médico-sociaux, il me semble important de partager largement ses conclusions, qui doivent orienter nos politiques publiques  à venir.

Le constat de départ a fait l’objet d’un sombre consensus : non seulement les situations sociales et sanitaires des zones urbaines sensibles (ZUS) cumulent les difficultés, mais ces mêmes difficultés interagissent et génèrent des souffrances, sinon des pathologies, spécifiques. Il serait fastidieux d’égrener les chiffres qui attestent des difficultés sociales spécifiques de ces territoires (justifiant le classement en ZUS), largement consultables sur le site de l’observatoire nationales des ZUS, mais il n’est pas inutile d’en rappeler quelques uns :

-          - Le revenu médian des ZUS (un peu plus de 12000 €) est environ la moitié du revenu médian sur le reste du territoire. Les deux tiers des ménages qui y résident sont allocataires CAF, contre 46% de la population française.

-         - Le taux de chômage moyen des ZUS était en 2009 de 18,4%, contre 9,4% sur le territoire métropolitain. On recense par ailleurs 43 % des jeunes hommes actifs au chômage sur ces quartiers, et 37% des jeunes femmes actives (différence qui s’explique par la différence du niveau de formation moyen).

-         - Alors qu’elles représentent 7,6% de la population métropolitaine, les ZUS ne bénéficient de la présence que de 3,9% des médecins (chiffres 2007), alors même que leur population a trois fois plus recours à la CMU-complémentaire (environ 20% des assurés sociaux).

-         - Enfin, l’insécurité des personnes y est bien plus durement ressentie : alors que le taux des atteintes aux biens est inférieur en ZUS (-8%) par rapport au reste du territoire, celui des atteintes aux personnes est supérieur de 11%, en progression de 7% depuis 2005.

 

Ces caractéristiques sociales ne doivent évidemment pas être considérées à elles seules comme prédictives des comportements sociaux, ni en terme de dangerosité vis-à-vis de l’ordre public, ni en terme de besoin de soin en terme de psychiatrie. A cet égard, deux écueils sont à éviter : la réponse répressive d’ordre public ou la psychiatrisation de la misère, la combinaison des deux entrainant un risque de retour à des logiques d’enferment et aux conceptions «asilaires » de la psychiatrie que la sectorisation a justement combattues et déconstruites à partir des années 1970 (voir ici une illustration présidentielle suite à un drame survenu à Grenoble).

 

Au-delà des chiffres, le point central, ce sont les souffrances qui résultent de cette situation sociale, l’angoisse qu’elle génère, souvent aggravée par l’isolement. Question absolument majeure, puisqu’elle laisse l’individu seul face à sa responsabilité et à ses peurs, entraînant une souffrance psychosociale qui a été très bien décrite par le docteur Jean Furtos.

 

Jean Furtos rappelle en effet que la souffrance d’origine sociale était pour Freud le type de souffrance le plus difficile à accepter par le sujet humain : « Il existe une précarité qui ne crée pas de lien, mais de l’isolement, de la paranoïa, de la mélancolie sociale ». Il insiste sur le fait que cette souffrance, généralement repérée sur les lieux du social, et non dans le champ du sanitaire, peut être aidée par les modalités concrètes et subjectives de l’aide sociale, au sens large : « Il suffit que la personne honteuse ou découragée entre dans une relation de respect et d’aide pour qu’elle retrouve courage et fierté ».

A cette aulne, il est indispensable de distinguer différents degrés de souffrance : il y a une souffrance « normale », qui aide à vivre, qui est moteur, et, face à une précarité trop exacerbée, il y a une souffrance qui empêche de vivre. C’est sur cette dernière, fortement répandue en ZUS, que se concentre la clinique psychosociale qui  prend en compte une souffrance psychique qui a pour caractéristique d’envahir tous les registres de la vie : intime, relationnelle et somatique, qui met à mal les prises en charges classiques, car l’érosion du lien à l’autre qu’elle entraîne a pour conséquence de rendre la demande d’aide soit inadaptée, soit impossible. Ainsi, les médecins généralistes de l’Agecsa (association de gestion des centres de santé), en première ligne dans leurs consultations pour recueillir cette souffrance, estiment que les habitants des ZUS ont entre deux et six fois plus de risques de développer des maladies mentales, en fonction des pathologies.

 

La Ville de Grenoble a donc développé des projets préventifs autour de la souffrance psychique, avant que celle-ci ne prenne une dimension pathogène. Le travail fait par ces lieux d’écoute, d’orientation et de suivi est un formidable révélateur des spécificités propres aux ZUS. En 2010 pour l’ensemble des « points d’écoute », 234 personnes ont été reçues (169 en 2009) et 919 entretiens réalisés (811 en 2009)

-  70 à 80% des personnes venues consulter sont des habitants des quartiers en politique de la ville. Les lieux d'écoute favorisent donc bien un accès aux soins et à la prévention pour des habitants bénéficiant de peu de ressources

-  Une majorité  de demandes sont relatives a un mal être général, a des difficultés intra- familiales, aux stress d'événement vécus soit individuellement soit collectivement.

- 75 % des personnes venues en consultation sont des femmes

- 90% de renouvellement des publics accueillis chaque année, ce qui prouve bien que l'action se situe sur du soutien ponctuel, permettant aux personnes de faire face à leurs difficultés psychosociales sans dégradation des situations.

Plus globalement, cette action est complétée par de l’action collective et des démarches d’aller vers, ainsi que par le soutien aux professionnels des secteurs (analyse de la pratique)

 

Ainsi, si peu de personnes fréquentant les « points écoute » souffrent de pathologie mentale lourde, relevant du soin psychiatrique, la réalité de l’aggravation des conséquences psychosociales de la précarité est incontestable dans les ZUS. Dans ce lien entre les personnes et leur environnement social, il est indispensable de traiter les deux : le « sujet » et son « milieu ». Pour ce dernier, c’est l’objet de la politique de la ville et c’est l’enjeu des politiques de développement à moyen et long terme, qui doivent structurer des réponses de fond. Mais il reste des « sujets », c'est-à-dire des femmes et des hommes qu’il faut repérer, écouter, orienter, accompagner et souvent soigner, davantage et mieux que ce n’est fait aujourd’hui, ce qui justifie une mobilisation exceptionnelle de la santé publique (somatique et psychiatrique) comme de l’action sociale.

 

Car ce que le prisme de la souffrance psychique a mis en exergue, ce sont des dysfonctionnements plus larges, et donc plus graves, de notre société, qui constituent autant de « mécanismes de défiance » qui empêchent les acteurs sociaux d’avoir une réponse cohérente et efficace. J’en citerai trois principaux sans développer, ayant déjà eu l’occasion de le faire sur ce blog (ici, ici et ici) :

-       - La méconnaissance de l’autre : le poids des représentations dans notre imaginaire collectif est sans cesse alimenté tant par les illusions de connaissance dues à la « toute puissance » télévisuelle – qui semble rendre toute culture accessible – que par l’ignorance de nos propres voisins, – faute de rencontres réelles qui sont de moins en moins possibles sur un espace public anxiogène, particulièrement dans les ZUS, ou dans des lieux collectifs dont les identités se spécialisent et se réduisent. C’est cette propension effrayante à se représenter l’Autre plutôt qu’à faire l’effort de le connaître qui laisse libre court aux logiques de stigmatisation qui jouent sur les peurs et les fantasmes.

-     - La logique de jugement d’une société de compétition : comme François Dubet l’a montré sur l’idéologie de l’égalité des chances (voir ici), le jugement moral sur le mérite de l’individu s’est largement substitué à l’appréhension de sa réalité sociale, de son histoire de vie. Si l’individu est pauvre, il le doit à ses échecs personnels, pas à une société qui lui aurait donné la chance qu’il n’a pas su saisir. A la compréhension, la bienveillance ou l’empathie, notre société oppose de plus en plus la sanction du jugement, qui renvoie l’individu à ses torts ou à ses fautes, entraînant à la fois désespérance et repli sur soi ou sur une « identité victimaire » qui segmente et oppose le corps social.

-     - Enfin, le resserrement du rapport à la norme sociale : la somme des contraintes liées à la  financiarisation du secteur médico-social, à la critérisation du travail social, à sa technicisation grandissante provoque progressivement une disparition de l’individu  derrière des stigmates sociaux. Ce n’est plus l’individu complexe issu d’un parcours réclamant une appréhension globale de ses difficultés que notre société entend aider dans le cadre de sa politique de solidarité, c’est une sédimentation de situations sociales qui appellent chacune une réponse ou une prestation sociale.

Toutes ces dérives aggravent les tendances au non recours, au repli sur soi ou à l’auto-exclusion qui peuvent déjà être liées aux conditions de vie en ZUS, s’ajoutant ainsi aux inégalités d’accès aux soins déjà constatées : en matière de santé mentale, habiter en ZUS signifie trop souvent une double difficulté, pour ne pas dire une double peine.

 

Pourtant, et cette journée a eu l’immense mérite de l’illustrer, des réponses existent, souvent construites à l’échelle locale, parce que c’est la plus pertinente et la plus réaliste pour faire converger l’ensemble des acteurs autour d’un objectif partagé. En l’espèce, il s’agit de créer les conditions d’une confiance rétablie au plan social et citoyen entre habitants, usagers, professionnels, élus afin de définir de véritables stratégies de territoire pour améliorer à la fois la prévention et l’accès aux soins face à la souffrance psychosociale. Plus qu’un énième dispositif, il s’agit de faire émerger un écosystème d’acteurs, chacun à sa place, pleinement responsable et pleinement solidaire de l’environnement global, capable de garantir un continuum cohérent du repérage à l’accompagnement au long cours. Philippe Meirieu a évoqué à ce sujet les beaux termes (notamment dans l’action sociale) d’ « architecture » ou de « situation », qui prennent en compte la nécessaire adaptation permanente de tout système d’acteurs aux évolutions de la demande sociale. Toutefois, pour que cette belle ambition puisse trouver une traduction concrète, trois conditions doivent être réunies :

 

-       - Donner la priorité à la proximité : à l’exemple des centres de santé ou des points écoute de la Ville de Grenoble, l’action de terrain permet seule une connaissance réciproque qui favorise le dépassement des représentations. La proximité, c’est aussi la capacité à mener l’action publique et associative à partir de la demande sociale et non pas en développant la seule logique de l’offre, comme c’est souvent traditionnellement fait. Dès lors, elle est une condition indispensable pour « faire avec » les habitants au cœur de leur environnement et ainsi mériter leur confiance dans le temps, à l’épreuve des aléas et des évènements.

-    - Territorialiser des communautés médico-sociales : cela signifie responsabiliser les acteurs locaux (institutionnels, associatifs et hospitaliers) à l’échelle d’un même territoire pertinent en leur donnant une véritable liberté d’action, notamment pour s’investir dans des projets portés par / avec les habitants. C’est évidemment un enjeu aussi essentiel que difficile dans la mesure où les logiques organisationnelles de chaque acteur ne sont pas toutes compatibles entre elles, et c’est là que la légitimité des élus locaux peut avoir un impact positif. Pour autant, avoir des acteurs en situation de responsabilité sur un territoire ne suffit pas nécessairement, encore faut-il s’assurer du respect du rôle de chacun, sortir du tropisme de « tout le monde s’occupe de tout », assumer collectivement la désignation d’un chef de file qui porte la coordination, à partir de l’enjeu social ou médical. Celle-ci permet d’organiser véritablement le travail de liaison, c'est-à-dire la capacité à « passer le relais » dans un accompagnement. Par exemple, travailler sur la souffrance psychique (en amont) avant que celle-ci ne prenne une dimension pathogène nécessite de pouvoir passer le relais entre acteurs sociaux et médicaux pour garantir à la fois le repérage, l’orientation, le diagnostic, l’écoute, l’accès aux soins et la continuité thérapeutique.  Nous sommes ici au cœur d’une démarche de transformation l’action médico-sociale qu’il nous faut engager pour passer de la psychiatrie de secteur à la psychiatrie communautaire, comme l’a fait Lausanne au travers d’une action de « suivi intensif dans le milieu ». Cela suppose que le secteur social lui-même soit dans une démarche de développement social communautaire, ce qui est le cas à Grenoble (voir ici et ici). Pour les patients, il s’agit, comme l’a très bien dit Philippe Pichon, médecin à l’Agecsa : « d’organiser la prise en charge intégrée dans le quartier, non stigmatisante et globale (sociale, somatique et psychiatrique), bref d’intégrer pleinement au travail social du quotidien cette dimension médicale liée à la souffrance psychosociale.

-      - Ré-orienter les moyens vers l’extra-hospitalier : il n’est plus temps de plaider pour une augmentation illusoire des moyens de la psychiatrie publique, même si des efforts restent nécessaires, la priorité doit être aujourd’hui d’assumer clairement un choix inverse de celui du gouvernement actuel (de retour vers la logique asilaire des hôpitaux psychiatriques), pour affecter clairement les moyens vers l’extra-hospitalier. De même qu’en ZUS l’enjeu des moyens de la médecine générale et donc de la place de la médecine de ville est essentiel dans l’accès aux soins, c’est bien les moyens et le périmètre d’action des CMP (centres médicaux psychologiques) qu’il faut redéfinir afin qu’ils soient le pivot psychiatrique de la communauté médico-sociale territorialisée. C’est ce qui marche justement dans l’action exemplaire menée à Lausanne, avec des moyens qui font rêver : 3 médecins, 5 infirmiers, 2 assistantes sociales ! Au-delà de l’enjeu immédiat de la réaffectation des moyens, il convient de rappeler combien le temps, donc la stabilité des financements, est un allié précieux pour construire des démarches de travail communautaire, satisfaire les demande de liens, gagner et construire la confiance  de manière pérenne.

 

En définitive, la situation sociale des ZUS, aggravée tant par la crise que par les politiques gouvernementales, est caractérisée par la combinaison d’une forte pauvreté, d’une précarité éducative et culturelle et d’un isolement grandissant des individus qui génère non seulement de l’autoexclusion sociale et citoyenne mais aussi une souffrance psychosociale à laquelle ni le secteur social ni le secteur médical ne peuvent répondre seuls. Ce constat qui peut-être élargi à de nombreuses réalités sociales doit nous inviter à renouer avec le sens profond de la politique de secteur psychiatrique qui était à l’origine d’être dans la proximité des lieux de vie et de travail, dans une relation de soin avec les usagers, au cœur du travail de l’ensemble des acteurs sociaux. Dès lors, porter une ambition de coopération, de complémentarité entre acteurs revient à voir le secteur dans une logique de communauté de vie, donc à porter une démarche de développement social communautaire au cœur de psychiatrie publique. C’est le sens de la réflexion portée par l’ensemble des acteurs mobilisés autour de la réponse psychiatrique à construire face à la situation sociale des ZUS : à nous, élus et responsables locaux de donner à cette belle idée de psychiatrie communautaire une réalité concrète à Grenoble et dans notre agglomération, dès les prochains mois.

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10 novembre 2011 4 10 /11 /novembre /2011 18:43

573891_Centre-Accueil-Tarze.jpegLe Maire de Grenoble, Michel Destot et les représentants des collectivités partenaires (Etat, Conseil général, Métro) ont inauguré auijourd'hui les nouveau locaux du centre d'accueil d'urgence de l'agglomération grenobloise et du CHRS Henri Tarze, dans le quartier Jean Macé.

Voici le texte du discours que j'ai prononcé à cette occasion, au nom du CCAS de Grenoble :

"Monsieur le député – maire,

Monsieur les vice-présidents du conseil général et de la métro,

Madame la directrice départementale de la cohésion sociale,

Mesdames et Messieurs les élus, chers collègues,

Mesdames et Messieurs les présidents et directeurs, chers partenaires et amis,

Mesdames, Messieurs,

 

Quel privilège que de pouvoir inaugurer aujourd’hui ces nouveaux équipements publics, quand on connaît à la fois leur impérieuse nécessité et la longue attente qui a précédé ce moment, particulièrement pour le centre d’accueil !

Cette longue attente justifie un rapide regard vers le passé.

Le CAM de la rue Durand Savoyat a été construit en 1957 à sa capacité de 55 places, la même depuis 54 ans, donc. Dès 1996, et mes collègue Christine Crifo et Jean-Philippe Motte s’en souviennent certainement, l’état du bâti comme sa non-adaptation aux évolutions des besoins des publics ont conduit le CCAS à initier un groupe de travail inter-institutionnel et inter-associatif qui a réfléchi, bientôt rejoint par le cabinet « Arpenteurs », à un programme qui est validé en 2001 par l’ensemble des partenaires (Etat, CGI, Ville de Grenoble mais aussi Métro qui acte à l’époque la vocation intercommunale du projet). Soit 5 années de réflexion et, au début des années 2000, l’espoir d’une réalisation rapide. Mais la complexité du projet et les contingences liées au bouclage des principaux financements ne rendent possible la production d’un premier APS qu’en 2006, par le cabinet ARCANE mandaté par la SEM Grenoble Habitat, maître d’œuvre du projet. Ce n’est qu’en 2008 que le terrain définitif est acté et acquis par GH, le permis de construire obtenu… tout semble sur le point d’aboutir jusqu’à l’été 2009, date à laquelle la SNCF se désiste du projet dans des conditions qui ne méritent pas que l’on s’y attarde. C’est à ce moment que nous décidons, avec le Maire, Jean-Philippe Motte, l’union de quartier que je veux remercier pour son engagement constant, et après échange avec les professionnels, de maintenir le projet en réalisant la reconstruction du CHRS Henri Tarze qui lui aussi le méritait bien : construit par Actis en 1977, ses 47 places nécessitaient soit une réhabilitation lourde très onéreuse, soit une reconstruction. Il aura fallu la mobilisation exceptionnelle des professionnels du CCAS, tant au siège qu’au sein du CAM et du CHRS, de ceux de GH et de la Ville de Grenoble, la compréhension des partenaires… pour que le projet aboutisse finalement.

Ainsi, le bâtiment que nous inaugurons aujourd’hui est le fruit de 15 années de réflexion, de travail, d’espoirs et de découragements pour les professionnels du CCAS, de GH, comme pour l’ensemble de nos partenaires institutionnels et associatifs, sans parler des usagers.

D’un coût total de 4,7 M€ pour le CAI et de 2,7 M€ pour le CHRS, il abrite, dans des conditions dont vous avez pu apprécier la dignité et la fonctionnalité, à la fois :

Grenoble-20111110-00136.jpg- les 64 places d’urgence du CAI réparties dans 3 espaces de vie (hommes, femmes, familles) ;

- les 47 places d’hébergement d’insertion d’Henri Tarze réparties dans 22 unités de vie, avec un nouveau projet éducatif davantage orienté vers l’autonomie sociale, avec notamment la création de cuisines individuelles et une mobilisation accrue vers l’emploi ;

- 6 des 9 places du dispositif « lits halte soins santé », les 3 autres places étant situées à la boussole, dont le financement est assuré par l’assurance maladie et qui sont autant de places d’accueil temporaire médicalisé pour des personnes qui combinent exclusion du logement et graves problèmes de santé ;

- la gestion du dispositif hôtelier, actuellement occupé par 460 personnes et financé pour deux tiers par le département, pour un tiers par l’Etat ;

- les nouveaux services intercommunaux POHI – SIA, qui organise pour le premier l’orientation des demandes d’hébergement à l’échelle de l’agglomération et qui permet pour le second un accueil et une orientation pour les ménages sans référent social.

Au total, ce sont près d’une quarantaine de professionnels du CCAS qui concourent à ces missions de service public. Je tiens à citer, en m’excusant par avance de ceux que j’aurai oubliés :

- les directeurs successif du CAM, Bernard Pelordet et Christian Chevalier, sans oublier Michelle Buttard qui assure aussi l’intérim de direction du POHI – SIA

- Bruno Montanier pour le CHRS Henri Tarze, Guilaine Dragon pour les LHSS en plus de la Boussole,

- sans oublier ceux qui ont permis cette réalisation au CCAS : Yves Clappier, qui a infatigablement coordonné les efforts de chacun et qui a mis beaucoup de lui-même dans cette réalisation, Pierre Meyer, Anne-Marie Bret et Paul Balestrieri.

Je veux enfin dire ma gratitude à l’ensemble du personnel qui a connu bien des incertitudes, bien des aventures, sur ce projet, et qui est toujours resté mobilisé sur l’essentiel. Nos échanges ont parfois été vifs, les situations ont été tendues. Mais je veux dire que j’ai vu beaucoup de sourire sur les visages lors des déménagements successifs, j’ai vu de l’entraide entre collègues, j’ai vu de la fierté pour les personnes accueillies, à la dignité en quelque sorte retrouvée. Le Maire a souligné à quel point les missions qui sont les vôtres sont difficiles, ingrates, souvent méconnues sinon méprisées. Et pourtant vous être le plus beau visage de l’action sociale, celui de la compétence alliée à des convictions.

J’ai beaucoup parlé du CCAS, alors que nous devons tant à nos partenaires :

-         aux financeurs, évidemment. L’Etat, bien sûr, dont c’est la responsabilité première, mais aussi le conseil général et la Métro, dont la mobilisation a été exceptionnelle, ainsi que la région qui nous a accompagnés sur la construction comme sur le mobilier.

-         aux maitres d’œuvre, et je veux dire ici à Jean-Philippe Motte et Eric Bart notre gratitude vis-à-vis de Grenoble Habitat qui a accompagné le projet dans tout ses revirements, acceptant sans cesse de revoir la copie, avec une pensée amicale particulière pour Bruno Raynfeld. Je veux aussi saluer la qualité du travail du cabinet ARCANE, que chacun de vous a pu apprécier.

-         aux associations qui sont nombreuses à nos côtés parmi nous. Rien de ce qui est fait ici ne pourrait l’être sans le partenariat exigeant que nous avons, qu’il s’agisse du 115 avec Ozanam, du secours catholique, de médecin du monde, de la Relève, de l’Arepi… je ne pourrais pas tous les citer. Je ne veux pas ici oublier les collectifs des bénévoles, Alertes et FNARS, qui portent une dimension militante qui est indissociable du travail social.

Car ce qui nous rassemble aujourd’hui, la force qui a finalement permis à ce projet ambitieux de se réaliser, ce sont les valeurs que nous partageons et que cet équipement fait vivre, même s’il a parfois le sentiment d’être le dernier des mohicans. Ces valeurs du CCAS et plus largement de l’action sociale sont d’abord celle du respect de la dignité de tout individu, la compréhension, la bienveillance vis-à-vis de ses difficultés ou de ses souffrances, la mobilisation de compétences pour accompagner chacun vers l’autonomie sociale, vers l’épanouissement de son projet de vie, dans le respect de sa liberté de choix. Nous sommes bien conscients que ces valeurs, pourtant consacrées dans des lois et traduites dans des droits pour les individus, ne sont pas toujours suffisantes en elles-mêmes. Nous savons la complexité de nombreuses situations, les contingences liées à la violence, au désespoir, à la pathologie. Nous mesurons les nécessités du bon usage de l’argent public. Mais nous ne pouvons taire nos désaccords et parfois notre indignation quand nous assistons à des reculs de la solidarité publique tels que nous apportons, c’est le cas en ce moment même à l’orée de l’hiver, bien plus de réponses négatives que positives, quand la dégradation des conditions d’accueil est organisée, quand ni le droit à l’accueil inconditionnel, ni le principe de continuité dans la prise en charge ne sont respectés. Si cette inauguration est un moment positif qui marque une avancée à laquelle chacun a pris part, y compris l’Etat et je le dis avec clarté, ce répit d’optimisme ne doit pas nous faire oublier la situation inacceptable de l’accueil d’urgence dans notre pays et à Grenoble notamment. Je veux ici redire notre solidarité pleine et entière avec les collectifs associatifs qui ont porté des revendications à la fois justes et raisonnables auprès de l’Etat.

Cet équipement CAI – Tarze, avec le dispositif hôtelier, les LHSS, le SIA et le POHI, est un lieu qui porte en lui les contradictions de notre société. Car s’il concentre beaucoup des souffrances qu’elle produit, il est aussi un formidable producteur d’espoir, par l’engagement de ses professionnels et de ses partenaires. A cet égard, la nouvelle dimension intercommunale du centre d’accueil, l’engagement résolu de la Métro dans l’hébergement, allié au soutien constant du CGI, sont un gage de réussites futures : c’est bien à l’échelle de l’agglomération que doivent se penser les parcours hébergement – logement, tant en terme de création de capacités adaptées que d’accompagnement de parcours sociaux. D’autant que les formes de pauvreté et de précarité évoluent malheureusement : quand le secours catholique nous rappelle récemment l’aggravation dramatique de la précarité des jeunes, c’est la fondation Abbé Pierre qui tire la sonnette d’alarme sur celle de personnes âgées de plus en plus isolées et de plus en plus pauvres. Sans parler des conséquences exponentielles de l’éclatement des structures familiales, de la misère cachée qui se développe à mesure que les droits des résidents résidents ou des demandeurs d’asile étrangers se réduisent… Les défis devant nous sont considérables et nous aurons évidemment besoin d’un engagement sans cesse plus large au plan des territoires et plus collectif dans sa mise en œuvre.

J’ai coutume de rappeler que l’on juge une société à la manière dont elle prend soin des plus fragiles. L’équipement que nous inaugurons ce jour est un lieu d’alterité et d’égalité. D’altérité, parce qu’il permet d’aider celui en a besoin avec davantage de capacité à le faire dans le respect de son intimité, de son intégrité, de sa dignité, bref, de son humanité. D’égalité, parce que tout est mis en œuvre pour que chacun soit ici un citoyen pleinement respecté dans ses droits et dans sa liberté. En ce sens, nous sommes ici au cœur de la République, et ce n’est pas seulement le visage de Grenoble qui est un peu plus beau avec cet équipement aujourd’hui, c’est bien celui de toute l’agglomération.

Je vous remercie de votre attention en formulant un dernier vœu : puissions-nous, autant que nous sommes, conserver cette même capacité, pendant les 15 prochaines années, à vouloir ensemble améliorer la prise en charge des plus exclus !"

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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 22:49

 

J’ai présenté ce jour au conseil municipal le rapport de l’activité 2010 du CCAS de la Ville de Grenoble. En cette journée mondiale du refus de misère, j’ai d’abord redit la solidarité de la municipalité avec les associations qui se sont largement mobilisées pour dénoncer la politique du gouvernement : "les moyens diminuent, la misère augmente".

 

Ce rapport d'activité 2010 se situe évidemment dans un contexte de crise sociale au plan national, comme l’illustre l’évolution de la part de la population qui vit sous le seuil de bas revenus (13% en 2008, 13,5 % en 2009, près de 14% en 2010), mais aussi local puisque près de 23 % des Grenoblois se situent sous ce même seuil.

 

2010 a donc vu se durcir l’environnement du CCAS avec dans le même temps une augmentation des besoins sociaux (voir ici l’analyse des besoins sociaux 2010) et une raréfaction des financements publics, alors même que nous devons poursuivre le redressement de la situation financière du CCAS tout en mettant en œuvre le plan d'actions 2009 – 2014 ! Il a donc fallu trouver un chemin étroit entre ces contraintes apparemment inconciliables, et,  sans prétendre que tout a été parfait, je pense que ce rapport démontre que nous y sommes parvenus. Je veux dire ma gratitude et ma reconnaissance aux administrateurs et aux services pour le travail considérable réalisé.

 

Ainsi, nous avons à la fois accéléré le redressement financier de l'établissement public (avec un exercice financier proche de l’équilibre), et développé les services proposés à tous les Grenoblois, à la fois dans l’action sociale territoriale avec le nouveau projet des centres sociaux (voir ici) et dans l’innovation sociale avec la conduite de nombreuses expérimentations (voir ici) en cohérence avec objectifs initiaux (redistribution, accès aux droits, développer l'action collective, favoriser le vivre ensemble).

 

Nous avons en outre porté une réorganisation générale des services qui traduit une conception nouvelle de l'action sociale : il s’agit d’une part de sortir de l’entrée unique par les publics, qui ne correspond plus à une réalité sociale complexe, et d’autre part de rompre avec la logique exclusive de l'offre pour co-construire les réponses avec ceux qui vivent la demande sociale, les habitants et les associations. L’enjeu est ainsi de mieux fonder la légitimité du service public de l'action sociale de proximité, non seulement en contribuant à une réponse mieux adaptée à l’évolution des besoins sociaux, mais aussi en favorisant le vivre ensemble par le décloisonnement des publics, des générations, des milieux sociaux, des origines etc…

Chacun l’aura compris, cette réorganisation constitue un changement de culture essentiel pour les professionnels du CCAS, qui exige à la fois de la volonté politique, beaucoup de pédagogie, d’explications, d’échanges avec les salariés et enfin du temps pour s’inscrire dans la durée.

 

Pour consulter la version résumée du rapport d’activité 2010 : c’est ici

Pour consulter le rapport complet de l’activité 2010 du CCAS : R10

Bonne lecture !

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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 06:12

 

J’ai déjà eu l’occasion d’écrire (ici) combien l’expérimentation sociale me semble une méthode à la fois utile pour mesure l’impact réel d’une politique publique, nécessaire pour s’adapter aux évolutions des expeformes de pauvreté et efficace pour permettre l’échange de bonnes pratiques entre acteurs sociaux. En période de crise, et alors même que nos concitoyens doutent de plus en plus de l’efficacité des politiques sociales, la méthode expérimentale est ainsi doublement justifiée, d’une part parce qu’elle permet aux citoyens de mesurer objectivement les résultats obtenus et d’autre part en facilitant l’affectation des ressources publiques en priorités aux politiques les plus adaptées et évolutives.

C’est ainsi qu’au lieu de contracter nos politiques sociales face aux baisses de financements, au lieu de nous recentrer sur nos compétences obligatoires (forcément minimalisées par de zélés juristes), nous avons choisi de lancer de nouvelles actions, de rechercher de nouveaux financements, d’affecter une part du produit de notre rigueur de gestion à la recherche de nouvelles réponses à la crise sociale. Cette politique à la fois responsable en termes financiers et volontariste en termes sociaux est ainsi à l’origine de 16 expérimentations, en cours ou à venir, qui sont autant de moyens pour les agents du CCAS d’adapter le service public de l’action social aux besoins des Grenoblois.

J’essaierai de les analyser de manière détaillée au fil des prochains mois, mais sans attendre je vous laisse les découvrir en observant qu’elles concernent plus de 10 000 Grenoblois, qu’elles sont largement financées et qu’elles correspondent bien aux priorités politiques que nous nous sommes fixées : augmenter l’effort de redistribution, développer les liens sociaux, encourager l’action collective.

Pour consulter le dossier de présentation des expérimentations sociales grenobloises : c’est ici

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 22:06

 

Comme rappelé ici, les centres communaux d’action sociale ont pour obligation légale de réaliser chaque année une analyse des besoins sociaux sur leur commune. A Grenoble, nous réalisons alternativement une analyse spécifique (sur les personnes âgées en 2009) et une analyse globale comme ce fut le cas en 2010.

Sans surprise, malheureusement, l’ABS 2010 montre le durcissement des conséquences sociales de la crise pour les Grenoblois. Ainsi, le nombre de ménages connus de la CAF vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 3,4 %, celui des bénéficiaires de l’allocation de solidarité personne âgée de 1,7 %, le nombre d’allocataires de revenus garantis de plus de 13 % (avec  l’apparition du RSA qui a changé le périmètre)… alors même que le recours à la CMU-C continue de baisser. Et ce n’est là qu’une petite illustration de tous les besoins sociaux que cette analyse recense de manière complète.

Pour prendre connaissance du résumé de l’ABS 2010, c’est ici.

Pour lire l’intégralité de l’ABS 2010 :

A10

Bien évidemment, le rôle des politiques sociales locales n’est pas d’être dans le seul constat des évolutions sociales ou des conséquences des politiques nationales, ou des deux comme c’est le cas dans l’ABS 2010 : nous avons le devoir de construire des réponses locales adaptées. Nous continuerons donc à faire évoluer l’action sociale grenobloise pour mieux répondre aux besoins des Grenoblois, en espérant aussi que la crise sociale que nous vivons, aggravée par les politiques de la droite, trouve les réponses d’un gouvernement de gauche dans une petite année…

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 14:34

Depuis près d’une décennie, dans la foulée d’une recherche – action menée par la sociologue Marie-Claire Vanneuville, l’association « femmes sdf » s’attache à comprendre, à faire comprendre et à aider les femmes en errance.

Chacun sait combien la rue est destructrice. Par la perte du repère social fondamental qu’est le domicile, par la fragilisation de tous les aspects de sa vie, l’individu en situation d’exclusion se perd progressivement aux autres et à lui-même. Dans notre société d’exclusion grandissante, qui développe de plus en plus la culpabilisation, voire la pénalisation, de la pauvreté, qui tend à placer l’individu face a sa responsabilité personnelle plutôt que de considérer la pauvreté comme une responsabilité collective (voir ce post), les comportements de non recours aux services et aux aides sociales, d’auto-exclusion de la société, de repli sur soi ou sur un petit groupe se multiplient, avec des conséquences sociales dramatiques.

Derrière cette misère qui se cache de plus en plus se trouvent en effet non seulement des situations de souffrance individuelle ignorées mais aussi des pratiques à risque pour soi-même et les autres, de l’exploitation l’Homme (souvent la femme) par l’Homme, de la violence liée au désespoir, des stratégies de survie au mépris de la loi et du respect d’autrui. Ces situations inacceptables se développent, à Grenoble comme ailleurs, sur le terreau d’une exclusion massive et d’une idéologie de jungle sociale qui transparaît chaque jour davantage dans la politique menée par le gouvernement.

Les Femmes, bien sûr, subissent avec encore davantage de violence ces évolutions. Mais parce que leur errance est plus cachée, par nécessité de sécurité, parce que le monde de la rue est d’abord un monde masculin, ce particularisme de l’errance au féminin est largement ignoré, comme s’il était tabou.

C’est tout le mérite de Marie-Claire Vanneuville et de l’équipe de « femmes sdf » que de rendre visible et compréhensible cette réalité. Par un travail extraordinaire d’humilité et de patience, dans la rue, les foyers, et, surtout, à l’accueil de jour, « le local des femmes », ouvert depuis 2004, véritable cocon de douceur, de compréhension, de sécurité, de répit, elles ont permis l’expression du vécu de ces femmes. Il faut savoir prendre le temps de l’écoute, respecter et comprendre les silences, savoir finir une phrase laissée en suspend, interpréter certains mots pour révéler tout leur sens. Il faut surtout beaucoup d’attention à la dignité de l’Autre et une forme d’amour pour ces femmes marquées par l’épreuve pour mériter leur confiance, lever les inhibitions et recueillir ces témoignages bouleversants : ils évoquent la honte de l’exclusion, la perte de l’estime de soi, la négation progressive du corps puis le renoncement à l’identité sexuelle, la peur face à la violence, la volonté d’être invisible dans l’espace public… Une forme de déshumanisation progressive liée à une souffrance individuelle immense, mais aussi à une absence de regard sur soi, tant de la part d’individus que d’une société qui les rejette. Pour avoir travaillé sur l’importance de l’absence de regard dans la « déshumanisation » de certaines personnes âgées dépendantes (dans le cadre de la démarche dite « humanitude », voir ce post), je mesure combien le rôle du regard individuel comme collectif est essentiel : le regard de l’autre nous restitue notre « moi » en tant qu’être humain, celui de la société nous confère ce « moi » social qui est indispensable à la dignité de toute personne. C’est dire l’importance de la tâche des professionnels et des bénévoles de l’association « femmes sdf », qui apportent ce regard individuel dans les relations qu’elles nouent avec les femmes en errance, et qui militent pour que la société leur offre un autre regard que le déni culpabilisant qui prévaut aujourd’hui.

C’est cette action globale, qui passe par un travail quotidien, mais aussi la réalisation d’un film de témoignages « Malaimance, histoires de femmes en errance », d’une pièce de théâtre remarquable « L’errance est immobile », co-créée avec la compagnie « l’envol », et d’un livre de photos et de témoignages « C’est quand demain ? », qui ont été présentés et mis au débat public aujourd’hui, à l’occasion d’une journée de rencontres initiée par l’association au théâtre Prémol et à laquelle j’ai participé.

Au-delà de l’enjeu essentiel de rendre visible cette réalité sociale des femmes en errance, je souhaite que cette journée se traduise par une mobilisation nouvelle, associative comme institutionnelle, autour de l’enjeu de la création d’une structure d’hébergement adaptée aux réalités de vie de ces femmes. En plein accord avec le collectif des associations de bénévoles et les collectivités territoriales, « femmes sdf » élabore un projet depuis plusieurs mois en ce sens, dont je suivrai la bonne mise en œuvre pour le compte de la ville de la Métro.

Preuve s’il en était besoin, dans le contexte sombre qui est celui de l’action sociale actuelle, que l’action exemplaire de professionnels et de militants, comprise et appuyée par les pouvoirs publics, peut permettre de trouver des solutions aux difficultés sociales les plus lourdes, pour peu que ces bonnes volontés se rejoignent dans un travail collectif. Un peu de bleu dans le ciel grâce à « femmes sdf »…

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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 20:56

Le constat est aussi simple que sombre : entre une crise sociale qui continue de se durcir et des politiques nationales qui réduisent les moyens de la solidarité, l’année 2011 s’annonce particulièrement mal pour les acteurs du champ social.

Au plan national, et les évènements de l’été l’ont dramatiquement démontré, la réponse aux inégalités sociales passe de plus en plus par l’ordre public, dans une spirale provocation – répression qui ne fait qu’accroître la désespérance, la colère, et la violence. L’accueil collectif pour la petite enfance est ignoré, l’école publique fragilisée par les suppressions de postes, les collèges et les lycées aggravent de plus en plus les déterminismes sociaux, la politique familiale s’essouffle et laisse prospérer un discours qui culpabilise les parents « démissionnaires », autorisant le lien inacceptable entre politique de soutien à la parentalité et prévention de la délinquance, la politique du logement n’est presque plus financée par la solidarité nationale, les capacités d’hébergement restent largement insuffisantes, notamment pour les demandeurs d’asile, la réforme de la dépendance aggravera les inégalités face à ce risque… sans parler d’un air du temps nauséabond, avec une extrême droite prétendument « laïque et sociale » surfant sur les digues abattues de la droite républicaine, qui a abdiqué beaucoup de ses valeurs en légitimant le fantasme du lien entre immigration et insécurité et en flattant les pulsions les plus primaires d’une partie de l’électorat dans la mise en scène éhontée du tout répressif et de la stigmatisation tour à tour des jeunes, des Roms, des immigrés…

Au plan local, les contraintes financières qui pèsent sur les collectivités limitent gravement leurs marges de manœuvre et leurs capacités à répondre à l’augmentation des besoins sociaux. Si la Métro porte un programme local de l’habitat très volontariste (voir ce post) et de nouvelles ambitions pour la politique de la ville (au moment où l’Etat s’en désengage massivement), si le Conseil général fait face aux augmentations massives d’allocataires du RSA et de l’APA, nombre de projets ou d’actions de proximité sont aujourd’hui limitées, à tel point que de plus en plus d’acteurs « s’autocensurent » dans leurs ambitions, faute d’espoir de les voir un jour financées.

Face à cela, les acteurs locaux de l’action sociale, professionnels, militants et bénévoles associatifs, ressentent souvent un isolement croissant, une fatigue grandissante, avec l’impression parfois d’écoper le Titanic à la petite cuiller. Ces sentiments se doublent parfois d’une forme de fierté face au travail accompli, d’une gratitude entre bénévoles, professionnels et militants devant le constat de tout le travail réalisé, au prix d’efforts redoublés… mais pour combien de temps encore ?

Au moment où le pessimisme ambiant ressassé par les médias semble avoir gagné les militants les plus dévoués de la solidarité, et ils sont nombreux sur Grenoble, je voudrais dresser ici quelques motifs d’espoir pour l’année à venir : certaines graines semées il y a quelques années commencent à germer et la mise en œuvre du plan d’actions du CCAS, porté par de nombreux acteurs du champ social, se traduit par de nombreuses réalisations.

Le premier enjeu concernait les politiques de redistribution. Nous avons doublé les moyens de l’aide sociale facultative (environ 700 000 € aujourd’hui dont les 2/3 pour de l’aide alimentaire), mis en place et élargi l’allocation municipale d’habitation pour les locataires pauvres du parc privé, créé une allocation de maintien en foyer de jeunes travailleurs pour les jeunes en insertion avec l’UMIJ, dépassé le seuil des 100 bénéficiaires du microcrédit personnel. En 2011 l’action sur le microcrédit sera élargie grâce à un partenariat avec la Banque postale, nous mettrons en place une plateforme d’accompagnement budgétaire pour conseiller les ménages en difficulté et expérimenterons un soutien spécifique aux jeunes de moins de 25 ans sous forme de « fond coup de pouce » pour solvabiliser les périodes de fragilités liées à l’arrivée d’un enfant ou au premier emménagement.

Dans le même esprit d’agir pour la redistribution, nous avons priorisé toutes les politiques d’accès aux droits et aux services sociaux, qui passent notamment par l’ouverture à de nouveaux publics des centres sociaux, transformés en des « Maisons des habitants » permettant l’implication citoyenne et l’accompagnement de nouvelles formes de pauvreté ou de fragilité sociale (voir ce post). C’est ainsi que des actions existantes ont été développées, comme les réseaux d’échanges réciproques de savoir ou les actions sociolinguistiques, et que de nouvelles initiatives ont démarré ou seront lancées en 2011 : paniers solidaires, plateforme mobilité et auto-école sociale, épicerie solidaire itinérante, outil d’accès à la culture pour tous, fonds de participation des habitants, comités de usagers, mise en place expérimentale d’un baromètre participatif d’accès aux droits sur le secteur 6 avec Odénore. Le nouveau projet des centres sociaux se traduira aussi en 2011 par des rapprochements avec l’antenne mairie, comme sur le secteur 4, ou avec l’éducation populaire, sur Prémol, Teisseire,  l’Abbaye ou les Eaux Claires. Sur la Villeneuve, à l’Arlequin, le nouveau projet du Patio avec un accueil commun au centre social et à l’antenne mairie concrétisera, avec la mise en place d’un café associatif, l’installation d’une véritable plateforme d’accès aux droits et aux services que nous voulons porter avec les services sociaux du conseil général. Enfin, le nouveau projet des centres sociaux est maintenant soutenu par plus de 20 jeunes volontaires engagés dans le cadre du service civique, qui apportent leur enthousiasme, leur créativité, leur envie d’agir.

Dans le domaine de la petite enfance, cette année 2011 verra l’arrivée de deux nouveaux équipements, la crèche dite T2A à proximité de Berriat, d’une capacité de près de 80 places, et une crèche associative chemin de Beauregard à proximité du nouveau quartier de Bonne, pour une quinzaine de places. Dans le même temps, nous lancerons – enfin – la réhabilitation de la crèche Vieux Temple et poursuivrons le développement de notre priorité sociale dans l’accès aux crèches accompagné du déploiement du programme Parler Bambin.

Pour les personnes âgées, l’année 2011 verra l’aboutissement de la démarche participative d’élaboration du nouveau projet des logements-foyers, l’ouverture de l’EHPAD du Bois d’Artas, de l’espace « convivi’âge », et d’une petite unité de vie pour personnes dépendantes sur l’Abbaye. Les actions d’animation gérontologique, désormais pilotées à partir des besoins des quartiers, seront renforcées et mieux coordonnées pour lutter contre l’isolement. En outre, nous espérons l’aboutissement de projets partenariaux avec les associations, le secteur médical et le conseil général, comme la création d’un service partagé pour l’aide et les soins à domicile (spassad), la mise en place d’une filière de géronto-psychiatrie ou la mise en place d’une plateforme unifiée d’accès aux services de maintien à domicile avec les téléalarmes et le réseau vivial-ESP38. Enfin, j’ai bon espoir que la mobilisation collective pour rétablir une tarification spécifique dans les transports en commun pour les personnes âgées afin de lutter contre l’isolement connaisse dans les semaines qui viennent une issue positive, à la suite des travaux de la commission d’évaluation de la tarification solidaire du SMTC dans laquelle je me suis beaucoup investi.

Enfin, dans le domaine de l’hébergement qui connaît actuellement de très fortes tensions, cette année sera d’abord celle de l’ouverture du nouveau centre d’accueil à vocation intercommunal, d’une capacité de 70 places au lieu des 55 actuelles, dans un équipement qui accueillera aussi les nouveaux locaux du CHRS Henri Tarze. Pour les professionnels comme pour les personnes hébergées, ces deux équipements neufs constitueront une véritable amélioration, après de longues années d’attente. Autre bonne nouvelle, l’ouverture de lits « halte soin santé » au centre d’accueil et à la Boussole, qui permettront de mieux prendre en charge les lourdes difficultés de santé rencontrées par les publics de l’hébergement. Dans la suite du plan départemental d’hébergement, la Métro  portera avec le CCAS, en lien avec l’Etat le conseil général, un nouveau service d’accueil et d’orientation des demandes d’hébergement, avec pour mission de rendre plus transparent et plus fluide l’accès à l’hébergement et l’accompagnement vers le logement. Enfin, nous travaillons avec les associations et les institutions à la création d’un dispositif d’hébergement et d’insertion sociale et professionnelle des familles Roms, à l’échelle de l’agglomération, que nous espérons mettre en place avant l’été.

Bien sûr, cet inventaire non exhaustif des projets en cours ne tient compte que des bonnes nouvelles, alors que les inquiétudes sont nombreuses pour de nombreux autres dispositifs.

Bien sûr, ces avancées ne suffisent pas toujours à endiguer les tendances actuelles de régression sociale issues des politiques nationales.

Bien sûr, la satisfaction de voir avancer des projets locaux ne doit pas prendre le pas sur l’humilité nécessaire pour toujours essayer de comprendre l’évolution des besoins sociaux et s’y adapter avec le maximum de réactivité et d’efficacité.

Mais tous ces projets montrent que la mobilisation collective et l’envie d’agir ensemble n’ont pas abdiqué, malgré la morosité ambiante et les nombreuses situations de souffrance auxquelles nous sommes confrontés. J’aurai l’occasion de revenir ici sur chacun de ces projets pour rendre compte de leurs avancées, de leurs éventuelles difficultés, des premiers résultats de leur mise en œuvre. A nous d’être, en 2011 plus encore que les années passées, mobilisés, collectifs et imaginatifs pour faire progresser l’action sociale et lutter contre les inégalités.

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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 17:02

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Après avoir été pendant 4 années directeur général adjoint du CCAS de Grenoble, Alexis Baron a rejoint le Conseil général de l’Isère, où il poursuit sa carrière dans l’action sociale territoriale parallèlement à son activité d’enseignement. Fort de cette double expérience, il vient de publier aux Presses universitaires de Grenoble un livre de pédagogie et d’analyse de l’action sociale territoriale (Dynamiques territoriales de l’action sociale et médico-sociale), dont je ne peux que recommander la lecture, au risque d’être accusé de « copinage ». A l’heure où les enjeux sociaux nationaux occupent le devant de la scène médiatique, cet ouvrage met en relief les contraintes et les enjeux de l’action quotidienne des collectivités locales, dont l’impact sur notre vie quotidienne est au moins aussi déterminant. Ayant eu l’honneur de préfacer ce livre, je vous en propose le contenu pour vous inviter à en entamer la consistante et enrichissante lecture…

 

« Selon l’organisme Eurostat, la France est devenue en 2006 le pays d’Europe qui consacre la part la plus importante de son produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de protection sociale avec 31,1%, devant la Suède (30,7%) et la Belgique (30,1%). Plus globalement, jamais notre pays n’a consacré autant de sa richesse aux politiques de solidarité… alors que paradoxalement, jamais le « modèle français » n’a été autant remis en cause.

 

Cette remise en cause tient évidemment en premier lieu au coût de ce modèle par rapport à son efficacité, à ses imperfections voire aux inégalités qu’il produit entre inclus et exclus du marché du travail, principal pourvoyeur de droits sociaux, tant il est vrai que le modèle français de protection sociale s’est construit concomitamment à l’émergence de la société salariale. Les débats sur l’avenir des retraites ou sur le financement de la dépendance illustrent la difficulté à concilier rigueur budgétaire et protection sociale publique largement universelle.

Dès lors, il est logique que la critique sur « l’efficacité budgétaire » des politiques de solidarité s’accompagne d’une remise en cause de plus en plus assumée de leurs principes. Ainsi, alors que la prise en charge des différents risques de la vie par la solidarité publique était encore il y a peu une évidence qui faisait consensus, les dispositifs d’individualisation de l’assurance face aux risques comme de leur prise en charge se développent, à l’exemple de l’allocation personnalisée d’autonomie. Ce qui permet à François Dubet de regretter que notre modèle « d’égalité des places », c'est-à-dire de redistribution universelle en vue d’améliorer la réalité sociale des plus fragiles, se voit de plus en plus substituer celui de « l’égalité des chances », qui vise à combattre les discriminations ou les handicaps sociaux pour donner à chacun les mêmes possibilités d’évoluer dans la compétition de la vie professionnelle et sociale, plaçant de facto l’individu en situation de responsabilité personnelle sur sa réalité. C’est ainsi que le jugement moral sur les « mérites » de chacun prend peu à peu le pas, au sein même du travail social, sur l’analyse des déterminants sociaux et sociétaux de la situation de l’individu… ce qui fait écrire à François Dubet qu’on « échange une morale fondée sur la dignité des travailleurs contre une morale de sportifs de haut niveau ». Alain Ehrenberg va même plus loin dans le registre psychosocial en expliquant comment le modèle français de responsabilité collective se délite au profit du modèle anglo-saxon de responsabilité individuelle, avec les conséquences induites en termes de souffrance morale de l’ensemble du corps social.

Or, ce bouleversement dans la conception de l’action sociale, qu’on pourrait imaginer comme étant le fruit d’options politiques ou de postulats intellectuels, reflète bien l’évolution de l’opinion des citoyens sur les politiques de solidarité, comme le montrent les enquêtes « conditions de vie et aspirations des Français » du Credoc. Ainsi, alors qu’à la création du RMI seulement 29% des Français considéraient que cette allocation était déresponsabilisante en incitant les bénéficiaires à s’en contenter, ils étaient 51% début 2007 à mettre en avant davantage les effets pervers potentiels que les bénéfices pour les personnes. Cette tendance illustre  la « fatigue de la compassion » des Français, voire le désamour qui s’est installé vis-à-vis de leur modèle de solidarité.

 

 

Pour autant, si les politiques sociales au plan national sont clairement en crise, nos concitoyens continuent de plébisciter l’action sociale locale, et demandent toujours davantage d’implication des pouvoirs territoriaux tant dans les réponses au délitement du lien social qu’aux besoins de prises en charge des plus fragiles, qu’il s’agisse de la petite enfance, des personnes âgées, des familles ou des individus en situation d’exclusion. Ce paradoxe apparent témoigne d’une réalité qui laisse une place à l’optimisme : la confiance est encore forte dans les liens de proximité, même si celle-ci est de moins en moins acquise par principe. Car ne nous y trompons pas : l’action sociale territoriale n’échappe pas aux remises en cause évoquées précédemment. Elle peut même les aggraver.

 

En effet, parmi les mécanismes qui peuvent casser la confiance de nos concitoyens, l’absence de lisibilité des responsabilités, donc l’incapacité démocratique à demander des comptes, est particulièrement rédhibitoire. Et l’extrême complexité de l’enchevêtrement des compétences à l’échelle territoriale est un facteur grave de déresponsabilisation. Pire, cette complexité accentue souvent le « saucissonnage » des publics en fonction de leur prises en charge, qui fait disparaître l’individu derrière un symptôme social et ne permet qu’un accompagnement limité au traitement du seul symptôme, remettant en cause l’éthique de l’accompagnement global qui est au fondement du travail social – et une condition de son efficacité. Concrètement, en fonction de l’âge, de la forme du ménage, de la situation administrative au regard du séjour, ou parfois de l’inclusion ou non dans telle politique volontariste, les individus dépendront d’une collectivité différente et leur prise en charge variera de manière considérable. C’est ainsi qu’apparaît une seconde limite forte de l’action sociale territoriale : sa difficulté à concilier les principes d’adaptation des politiques et d’égalité des citoyens, quand seule apparaît aux yeux des bénéficiaires une forme d’arbitraire administratif. Si la logique de la décentralisation comme de la déconcentration est bien d’améliorer l’adaptation des politiques sociales aux réalités des territoires, force est de constater que celle-ci ne s’est pas accompagnée d’une amélioration de la justice sociale ressentie par les individus.

 

Faut-il pour autant s’arrêter à ces constats cruels ? Bien sûr que non, tant il est vrai que l’action sociale des collectivités territoriales reste exemplaire en termes de maîtrise financière, de capacité à prendre en compte les évolutions de la réalité sociale et même d’innovation et de créativité. Il n’est en effet pas un domaine de l’action sociale qui échappe, de manière plus ou moins directe, aux collectivités territoriales, et l’actuel recul de l’Etat déconcentré, qui régionalise de plus en plus ses échelons décisionnels, ne fait qu’accroître la pression de la demande sociale sur les élus locaux et les responsables territoriaux. Au-delà des enjeux essentiels sur l’avenir de notre protection sociale et la redistribution fiscale, qui se jouent au plan national, l’effectivité de l’action sociale pour la plupart de nos concitoyens se décide à l’échelle locale, et c’est bien à partir de ce niveau que sa légitimité démocratique peut se refonder. Si notre pays n’entend pas renoncer à des politiques publiques de solidarité ambitieuse, il doit d’abord s’appuyer sur l’action sociale territoriale pour enrayer le « désamour » des Français et renouer avec la confiance dans la cohésion sociale.

 

Mais, pour enclencher cette dynamique vertueuse, il faut à mon sens réunir trois conditions.

 

Tout d’abord, simplifier la répartition des compétences et développer la contractualisation entre échelons territoriaux. Un trop grand nombre de politiques publiques sont encore co-pilotées, notamment entre l’Etat et les Conseils Généraux, ce qui rend difficile l’expression d’une vraie responsabilité et la capacité à faire des choix politiques, entraînant une « technicisation » de l’action sociale qui la rend incompréhensible pour une majorité d’habitants, sans même évoquer les jeux de ping-pong inhérents à cette organisation. Si la Loi est la même pour tous, il est nécessaire que la responsabilité de sa mise en œuvre soit clairement identifiée. Dans le même esprit, les logiques de contractualisation à l’échelle des territoires permettent de rapprocher les décideurs des habitants et de renouer le lien entre représentation démocratique et responsabilité sociale. Ainsi, les délégations de compétences des conseils généraux en direction des CIAS et des CCAS sont à la fois responsabilisantes et efficaces, tant il vrai que le pilotage des politiques sociales doit être lié à l’analyse des besoins sociaux, réalisée au niveau communal ou intercommunal.

 

Ensuite, il est urgent de développer dans l’action sociale la culture de la preuve, donc l’expérimentation. Pour paraphraser Max Weber, nous devons ajouter à l’éthique de responsabilité à l’éthique de conviction, c'est-à-dire sortir du tropisme français qui fait prévaloir les idées et les convictions sur les faits. Si notre modèle de protection sociale est le fruit d’une longue histoire militante politique et syndicale, et s’il n’est pas question d’abandonner la dimension militante de l’action sociale, force est de convenir que celle-ci ne suffit plus face aux remises en cause actuelles. Dans ces conditions, et alors que l’expérimentation sociale a déjà démontré son intérêt dans de nombreux pays, développer la capacité à objectiver les résultats d’une politique sociale, accepter les résultats d’une évaluation réellement scientifique permettront d’endiguer les critiques idéologiques qui prolifèrent, notamment avec l’association souvent faite entre action sociale et « assistanat ». Promouvoir l’expérimentation sociale, c’est à la fois permettre un débat démocratique dépassionné et objectivé sur les politiques sociales, garantir une meilleure adaptation des politiques aux besoins sociaux et relégitimer sur des résultats incontestables des actions publiques dont de plus en de plus de Français doutent de la pertinence. En ce sens, l’expérimentation est une voie essentielle pour sortir l’action sociale de son marasme actuel, et, comme l’a montré le bilan décevant de la réforme constitutionnelle de 2004, les collectivités territoriales sont davantage que l’Etat en situation de lui donner une réalité opérationnelle.

 

Enfin, pour faire rimer simplification, adaptation et égalité, il convient d’étalonner les pratiques des territoires, donc de faire émerger les bonnes pratiques et les expérimentations réussies afin de les mutualiser. Si la contractualisation entre les territoires se réduit à la seule logique du « small is beautifull », alors l’adaptation des politiques contreviendra aux objectifs d’égalité et l’action sociale territoriale offrira d’elle-même une caricature picrocholine au final insignifiante au regard des enjeux. C’est donc dans une dialectique rigoureuse entre intérêt général et politiques locales que se trouve l’avenir de l’action sociale territoriale, ce qui rend impérieuse la nécessité de constituer des réseaux d’acteurs capables de porter ensemble un discours face à l’Etat et des politiques ayant une masse critique suffisante pour que leur évaluation soit pertinente. Le développement de l’expérimentation suppose cette capacité nouvelle à sortir du chacun chez soi qui caractérise trop souvent les politiques territoriales pour mettre à disposition de tous les réussites constatées de manière objective.

 

Derrière ces enjeux d’organisation sur et entre les territoires, il y a l’essentiel, c'est-à-dire la capacité de nos politiques sociales à répondre demain aux besoins des hommes et des femmes en fragilité sociale. Quelles politiques sociales dans la petite enfance, quand tous les rapports placent cette politique au premier rang de la lutte contre les inégalités ? Quels accompagnements des familles pauvres et des ménages monoparentaux ? Quelles politiques de redistribution facultatives pour répondre aux nouvelles formes de pauvreté ? Quelles prises en charge effectives de la dépendance, au sein de quel réseau social et avec quels moyens ? Quelles capacités à maintenir le lien social au travers d’équipements et de lieux collectifs qui concilient mixités sociales, culturelles et générationnelles ? Tous ces enjeux trouveront – ou pas – leurs réponses concrètes dans les politiques territoriales.

 

Leur appréhension suppose évidemment d’abord une bonne compréhension du « capharnaüm » territorial, et une capacité à mettre en perspective ses nombreuses évolutions récentes. C’est ce que permet ce remarquable ouvrage d’Alexi Baron, fondé sur des connaissances théoriques approfondies, une expérience probante de praticien comme de décideur de l’action sociale territoriale, et une capacité pédagogique qui rend «digeste » la masse d’informations contenues dans ce livre. Faire connaître de manière théorique et pratique les réalités de l’action sociale et médico-sociale territoriale, ses forces et faiblesses… telle est à mon sens la réussite première de cet ouvrage didactique et complet, qui satisfera les appétits intellectuels des étudiants comme des praticiens de l’action sociale, et nourrira utilement les nombreuses réflexions collectives qu’il faut d’urgence approfondir. »

voir Eric Maurin, Le ghetto français (Seuil, 2004) et La peur du déclassement (Seuil 2009)

François Dubet, La place et les chances, Seuil, 2010

Alain Ehrenberg, La société du malaise, Odile Jacob, 2010

Julien Damon, Questions sociales : analyses anglo-saxonnes, socialement incorrect ?, PUF, 2009

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